Adrien Chiquet

  • 19.07.2011

Adrien Chiquet est depuis 2008 le boss du festival Météo, évolution désirée et nécessaire du festival Jazz à Mulhouse créé en 1983. Avant-gardiste, amical, dandy, tourangeau, agitateur : A 32 ans, Adrien Chiquet est tout cela à la fois et bien plus encore, tant il n'aime pas les étiquettes et arrive toujours à étonner là où ceux qui ne le connaissent pas ne l’attendaient pas. Rencontre chez lui, dans le centre historique de Mulhouse.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas et pour les autres, pouvez-vous nous raconter votre histoire à Météo?

J'ai fait des études de musicologie à Tours, la ville où j'ai grandi. Le festival que je dirige aujourd'hui m'avait amené à Mulhouse d'abord en tant que spectateur. Le plus drôle c'est que je me souviens très bien qu'en repartant je me suis dit que jamais je ne vivrai dans cette ville. Et finalement six mois après j'emménageais à Mulhouse.
Tout a en fait démarré avec Florence de Retz qui s'occupait de la régie des transports du festival de Jazz à Mulhouse et qui travaillait le reste de l'année au Petit Faucheux, un club de jazz situé à Tours justement et où j'allais régulièrement. Elle nous parlait souvent de ce festival et j'ai pu venir à Mulhouse pour le découvrir. C'était en août 2003. Un mois plus tard, Paul Kanitzer et sa femme Christiane partaient en vacances et étaient de passage à Tours. Ils ont fait en sorte que je me retrouve à dîner chez Florence de Retz. A la fin de ce dîner, Paul m'a fait fait la proposition de venir à Mulhouse pour travailler au sein du festival. Il m'a accueilli pendant ma maîtrise de musicologie en tant qu'assistant pour prendre par la suite sa succession. J'avais 24 ans et c'était un pari fou. 

Météo, cela peut laisser perplexe après 20 ans sous le nom Jazz à Mulhouse. Pouvez-vous nous expliquer ce choix?


Les amateurs de jazz classique savaient depuis très longtemps que ce n'était pas chez nous qu'ils trouveraient leur plaisir. Par contre, on avait le phénomène inverse, il y avait des tas de gens  qui voyant un festival qui s’appelait Jazz à Mulhouse éliminaient d'emblée notre programme de leur champ de vision parce que le jazz n'étaient pas ce qu'ils recherchaient. Alors qu'il y avait chez nous des choses susceptibles de les intéresser.
On bloquait dès l'entrée des tas de gens, surtout plus jeunes, issus des musiques actuelles, des arts plastiques. Je pense qu'un nom si on le choisit suffisamment malléable il se charge petit à petit de relayer ce qu'on lui associe. J'ai fait le pari d'un nom qui n'évoque rien en terme de musique avec un potentiel poétique et imaginaire. Au début j'avais pensé à l'acronyme MMM pour Mulhouse Music Meeting.  In extremis, j'ai appelé l'Institut National de la Propriété Industrielle et j'ai découvert qu'il y avait un autre festival de musique en Suisse qui s'appellait MMM pour Musiques des Montagnes du Monde. Du coup, il a fallu trouver très vite autre chose. Le nom Météo est venu tout seul et toute l'équipe était enchantée par cette nouvelle idée. Cela ne parle à personne et du coup cela parle à tout le monde!

Comment fonctionne le festival? Quel est son histoire?

Le festival s'est monté en 1983 sous l'impulsion de la Ville de Mulhouse. Paul Kanitzer, alors à l'époque directeur de l'AMC, le centre d'Action Culturelle de Mulhouse. Il programmait déjà du jazz contemporain dans le cadre de son association. Au début des années 90, La Filature ouvre et la ville lui propose de reprendre le festival de jazz dans son intégralité. 
La ville est toujours le principal partenaire de l'association Jazz à Mulhouse qui est en charge du festival Météo. On est une quinzaine de personnes dans le conseil d'administration. Avec un budget total de fonctionnement de 300 000 euros. Dans les festivals de cette taille, on est ordinaire. Si on compare par exemple avec Jazz d'Or à Strasbourg, ils ont deux ou trois fois ce budget. A Mulhouse, avec mon assistante Amélie Roland, nous sommes deux salariés à l'année pour monter à une trentaine de salariés et bénévoles pendant le festival.

Un festival comme le vôtre est amené à innover à chaque nouvelle édition. En dehors de ce qui est lié à la programmation, quelles sont les innovations cette année?

Depuis l'an dernier nous passons deux après-midi à DMC avec cette année des concerts acoustiques. Le festival sera aussi pour la première et la dernière fois au garage Sax. Le dernier étage est vraiment super, c'était vraiment tentant d'aller faire quelque chose là haut. C'est aussi une des manières de faire passer la pilule de la difficulté de la musique auprès de gens en leur donnant envie de venir avec un lieu qui sort de l'ordinaire. Il y aura également des moments qui seront plus saugrenus qu'innovants avec le concert de Jean Guillou et Brigitte Fossey comme récitante.
Chose inhabituelle, le concert de Jean-Luc Guionnet qui fera un solo d'orgue. Adrien Kessler, figure emblématique de la scène rock suisse, fera un solo clavier voix. Il y aura aussi un concert pour 8 harpes. Voilà quelques moments originaux de cette édition.

Le fil conducteur du festival reste-t-il le free jazz?

Pas du tout. Quand il y en a un qui se dessine je ne suis pas contre mais je ne vois pas la nécessite d'avoir un fil conducteur.

Avez-vous trois artistes que vous auriez aimé voir jouer à Météo?

Dewey Redman saxophoniste de jazz américain du premier quartet de Keith Jarret, le père de Joshua Redman. Ce n'était pas un musicien majeur, plutôt quelqu'un de pas reconnu mais qui était la crème de la crème à l'époque.
Il y aurait également Bill Dixon, trompettiste d'une mouvance très intellectuelle de la musique noire américaine. C'était un superbe musicien complètement lunaire, vaporeux et léger.
Un troisième, Sviatoslav Richter, que j'adore. Tous les ans il venait à un kilomètre de là où j'habitais à Tours et je n'ai jamais eu l'occasion de le voir en concert.

Public, élitisme, culture : quelle est votre philosophie sur ces sujets?

On ne ferait pas avancer l'approche que les gens ont de la culture ou de l'art en les agrémentant d'aspect d'animation. C'est une erreur de penser que l'on va sensibiliser les gens à la culture parce qu'on leur propose une animation où il y a de l'art dedans. Ça ne sert à rien de mentir au public, il n'est pas idiot et c'est bien mieux de tenter d'expliquer que le jeu en vaut la chandelle plutôt que d'enrober les difficultés dans trois couches de guimauve!

Avez-vous un style musical que vous affectionnez?

Je n'ai pas d'à priori. Quand je suis chez moi, j'écoute beaucoup de musique pour le boulot. Sinon, il y a toujours la musique classique. Je suis aussi fan des grosses machines de hip hop américain comme Jay-Z, Dr. Dre ou 50 Cent mais je ne les écoute pas de la même manière que Sviatoslav Richter par exemple. J'écoute un peu moins mais quand même un peu musique traditionnelle type musique du monde. J'aime bien découvrir les choses.

Hormis pendant le festival Météo, où peut-on croiser Adrien Chiquet?

J'aime les cafés de centre-ville avec à l'origine plutôt une affection sympathique pour les Copains d'abord. Quand je suis levé tôt, on peut me trouver à la terrasse de l'Avenue car il y a un très beau soleil le matin. Il m'arrive aussi d'aller prendre un verre au Greffier.

A Bâle, j'aime beaucoup la Gare du Nord, c'est un superbe endroit que seuls les Suisses savent faire : investir un lieu qui a une histoire et où l'on est ni dans la négation de l'histoire du lieu ni dans la naphtaline. Récemment j'ai découvert le Süd à Bâle dans l'ancienne brasserie Warteck. Fribourg en Brisgau, je ne connais pas du tout. Par contre, je vais de temps en temps à Zürich.

Un dernier mot pour terminer?

Le travail avec la bibliothèque municipale de Mulhouse me tient à cœur. La place d'une bibliothèque dans une ville me paraît si essentiel. Entre livres et concerts, c'est un bel angle pour aborder le festival.

festival-meteo.fr

Par Julien Di Giusto

Fondateur de l'agence de communication Mars Rouge et du magazine online subject.fr. Collabore avec le label italien Angle Records pour le magazine NG™. Vit à Mulhouse.

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