Pierre Fraenkel

  • 18.05.2011

Poète urbain, Pierre Fraenkel se cachait jusqu'à présent sous le nom d'Alsachérie, une époque désormais révolue. Connu pour ses collages sur les panneaux mulhousiens d'affichage libre, Pierre Fraenkel est de retour dans la cité du Bollwerk. Son moteur, c'est l'ironie et la remise en question où le mot, le slogan et l'écriture sont les ingrédients d'une recette qui une fois réunis donnent le menu. Ses plats favoris sont les performances et les peintures servies dans le domaine urbain. En lui demandant donc une interview pour cerner son univers, il nous a naturellement donné rendez-vous dans la rue. Discussion.

Quelle est la place du message politique dans votre œuvre?

Je ne m'inscris pas formellement en politique. La politique est quelque chose de mouvant, l'histoire montre d'ailleurs que la politique doit être expérimentée. Par contre la politique de la ville m’intéresse. Je suis aussi intéressé par celle de la France mais ce sont des cercles que je maîtrise de moins en moins, d'autant plus qu'ils deviennent larges. Je peux me prononcer sur ce que j'expérimente moi-même en tant qu'individu. A vrai dire, ce qui m’intéresse le plus, c'est de parler de choses qui me dérange comme ma campagne « Fessenheim, mon amour ». C'est quand même plus significatif que des slogans déjà vus du type « Stop Fessenheim ».

Avec 250 collages à votre actif, quelle a été la réaction la plus invraisemblable de la part du public?

C'était en 2008, le quotidien local m'appelle et m'annonce que les Renseignements Généraux souhaitent savoir qui je suis, si je fais partie de l'ETA, l'organisation terroriste basque! Cela avait un rapport avec une série de collages sur Mulhouse dont le « Mulhouse capitale de la France : Basta! ». Je me suis demandé où j'avais mis les pieds. Pour moi Basta c'est une expression tellement anodine. C'était tellement absurde et tellement humoristique que j'étais vraiment surpris. La journaliste leur a expliqué que j'étais un artiste du coin et du coup elle en a fait un article où elle expliquait l'histoire avec une photo de l'affichage. C'est là qu'on a vraiment commencé à parler de moi.

A vos débuts, quels artistes vous inspiraient?

Les gens qui repoussaient les limites comme le photographe Andres Serrano ou Jeff Koons dans les années 80 avec son travail sur la Cicciolina. Il y avait aussi la bande dessinée érotique italienne des années 70 avec des auteurs comme Milo Manara ou Leone Frollo.

Lettrisme, art urbain, performance, mais au fond qui est Pierre Fraenkel?

Je suis plasticien et peintre. Ma famille est belge mais je suis né à Chamonix. Mon enfance je l'ai passée à Gap. Mon grand-père était architecte et mon éducation artistique s'est faite avec la peinture flamande. J'ai passé trois ans aux Beaux-Arts de Nancy avec un ami, Yvan Etienne qui est aujourd'hui au Quai à Mulhouse. Il avait et a toujours une forte personnalité et je l'ai suivi aux Beaux-Arts de Besançon. J'ai finalement terminé aux Beaux-Arts de Cergy-Pontoise où j'effectuais en même temps mon service militaire à la compagnie de Fontainebleau. L'armée a été une condition financière pour continuer à faire mes études. Ensuite, je suis parti à Londres en 2000 où j'ai plus survécu que vécu. J'avais envie de travailler mais la question du lieu était plus une question financière et j'ai donc décidé de rejoindre mes parents venus habiter Mulhouse pour se rapprocher de la Belgique. J'ai commencé à coller et j'ai dû choisir un nom pour rendre mon travail public. Du coup j'ai pensé à Alsa en lien avec les sachets de levure Alsa. J'ai rajouté chérie pour contrebalancer le côté régionaliste. 

Le marketing, y avez vous déjà pensé?

J'aime la publicité, le slogan m’intéresse. Je suis de la génération Culture Pub. Une grande entreprise m'a contactée pour savoir si je pouvais lui fournir des choses intéressantes pour du street marketing. J'aime le jeu, mais la différence entre ce que je fais et la publicité, c'est que la publicité est quasiment mensongère. La publicité Carola avec Sébastien Loeb, par exemple, qui dit « C'est vous les gagnants » : Les gagnants ce n'est pas nous, c'est Sébastien Loeb et Carola! Ils travaillent toujours pour eux ces gens là, donc la publicité travaille pour elle. Les gens sont trop naïfs, ils ont besoin de rêver, on a besoin de leur faire croire des choses. Moi j'essaie de ne pas mentir.

Coupure pub justement. Avez-vous quelque chose à vendre, une promo à faire ou un bonjour à passer?

Je reviens de Toulouse où j'avais une exposition : c'est un nouveau projet assez sensible qui consiste à fleurir des troncs d'arbres pour créer des faux lieux communs de crash. J'ai actuellement une exposition à La Vitrine à Mulhouse et aussi une exposition permanente à Bâle à la galerie Schoeneck. J'ai un travail de prévu pour le Festival Contre-Temps à Strasbourg. Je leur ai proposé un collage pour parler du Street Art avec des grands rubans très colorés et l'inscription « Street Tarte ».  Toujours à Strasbourg, j'expose dans le cadre du projet « Sans Conservateur » à l'espace Colo d'Art. En juin toujours, je vais faire une performance à Toul, puis le 26 juin, je présente mes œuvres dans le cadre du parcours artistique à Oberhausbergen. En juillet, je serai présent au Festival Natala à Colmar. Puis en octobre, je participe à la Nuit Blanche de l'art contemporain à Mayenne. J'ai aussi un beau projet pour Mulhouse et j'espère qu'il aboutira!

Vos fautes d'orthographe, la peinture qui dégouline, c'est un peu votre signature?

Mes collages sont remplis de fautes d'orthographe, car c'est moi, j'ai toujours fait des fautes. Par exemple, le verbe faire m'énerve beaucoup, alors j'écris fée ou fête. Ca coule de partout parce que je dois diluer ma peinture pour des raisons de coût. Et pourtant les gens adorent, à croire que mes défauts sont devenus mon cachet.  En fait, je me sens acteur plus que décorateur. Acteur de la vie quotidienne. Je ne suis pas nécessairement dans la séduction graphique. Si les gens veulent qu'on parle d'un truc sérieux, c'est sur le fond pas sur la forme. Si ils veulent me critiquer sur mes fautes d'orthographe, on peut parler du système éducatif des années 70/80, celui que j'ai vécu. Est ce que ce même système éducatif a été bon? Des fois la faute amène un autre sujet!


Par Julien Di Giusto

Fondateur de l'agence de communication Mars Rouge et du magazine online subject.fr. Collabore avec le label italien Angle Records pour le magazine NG™. Vit à Mulhouse.

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